Notre but, c’est la marge
« L’objectif était de doubler la production laitière. Il sera atteint cette année. » Alex Fresneau a vingt-deux ans. Il en a vingt quand il s’installe avec le projet de passer de 750 000 à 1,4 million de litres. Avec son père Patrick et Gildas son beau-frère, ils sont à la tête du gaec des Henriais à La Chapelle Glain en Loire Atlantique. « Nous arrivons à 40 kilos de lait par vache avec un taux butyreux de 44 g/l et un taux protéique de 34 g/l. » Une performance tout à fait exceptionnelle que d’atteindre un tel niveau de production, de l’ordre de 14 000 litres par vache, tout en gardant des taux élevés de matière utile et sans aucun souci de cellules.
La prime à la qualité s’en ressent : « Elle est de 35 euros sur un prix moyen payé de 365 euros les mille litres. » Cela alors que l’élevage achève une phase de croissance. « On a voulu à la fois doubler la production globale et maximiser la production par vache, ceci pour diluer les charges fixes. » La reprise de bâtiments a limité les investissements en neuf. Il a suffi de rallonger quelque peu la stabulation et de déménager le cheptel de renouvellement pour accueillir cent vingt vaches à traire. Coût de l’opération 150 000 euros. Un second robot a été installé en complément de celui acquis en 2014. Ces équipements sont le principal investissement : au total 250 000 euros. La montée en effectif s’est faite par croît interne. « On a gardé nos génisses pour ne pas avoir à en acheter, maintenir la qualité génétique et ne pas prendre de risques sanitaires. » Les éleveurs se sont donné un but : maximiser la marge par vache en maîtrisant les charges opérationnelles. Cela passe d’abord par l’alimentation. « Nous raisonnons non pas en termes de coût mais de marge sur coût alimentaire : quelle marge on dégage une fois payés les fourrages et concentrés. On vise dix euros par jour et par vache, soit mille deux cents euros pour cent vingt vaches traites. »
Pour tenir cet objectif, il leur faut d’abord de très bons fourrages et en quantité. La ration est toute l’année à base d’ensilages d’herbe et de maïs. Un soin très particulier est accordé à la production des fourrages. L’ensilage d’herbe est produit uniquement à partir de ray-grass d’Italie. Soixante-dix hectares sont semés chaque automne. « Nous fractionnons les apports d’azote en deux, le second étant réalisé peu avant la fauche pour maximiser la protéine. » Pas plus de 2,5 tonnes de matière sèche sont récoltées à la première coupe. « Puis on refauche quatre ou cinq semaines après. » Récolter le volume en deux fois plutôt qu’une augmente notablement la valeur de l’herbe. L’ensilage affiche 1 UFL et 24 % de MAT. Côté maïs, « nous faisons quatre à cinq tours chaque année pour évaluer le stade optimal de récolte. » Celle-ci est fractionnée en trois fois pour s’adapter aux différences entre parcelles. « Cela demande de l’organisation.» Les rendements sont peu élevés du fait de la qualité des terres et de l’absence d’irrigation. « D’habitude, on récolte 11 tonnes à l’hectare. » Avec la sécheresse l’an passé, les rendements sont tombés à 8,5 tonnes.
Pour éviter tout risque de rupture, la sole de maïs excède très largement les besoins. Elle est de quatre-vingts hectares. « On vise 4 à 5 mois de report. Une sécurité qui diminue notre trésorerie. »
La qualité de l’alimentation n’explique pas à elle seule les résultats de l’élevage. La gestion courante demande une grande rigueur souligne Alex. « Tous les matins, je regarde les indicateurs sur l’ordinateur. Il faut corriger au plus vite les écarts, mettre en place des protocoles pour ne pas avoir de vache improductive. » Pour les éleveurs, c’est un degré de plus dans le pilotage de l’atelier.
Rigueur quotidienne
Régulièrement, les rations sont recalées selon les analyses de fourrage en adaptant les concentrés. « En janvier, on a eu un changement de maïs ensilage. Aussitôt on a perdu un kilo de lait. On a vu ensuite que le maïs avait deux points de MAT en moins. » A cela s’ajoutent divers protocoles pour inséminer au bon stade, éviter l’amaigrissement au démarrage de lactation, maximiser le pic, optimiser le hachage des ensilages, etc. Lui et ses associés ont adopté l’outil Consélio pour piloter la reproduction des vaches. La rigueur quotidienne se révèle payante aussi sur le plan sanitaire. « Nos frais vétérinaires sont de neuf euros aux mille litres alors que le groupe centre de gestion est en moyenne à quinze euros. » Le renouvellement coûte cher. Il est aujourd’hui supérieur à la moyenne du fait du nombre important de génisses entrées dans le troupeau. « Nous sommes à 37 %, on veut redescendre à 33 %. » Cela permettra aussi de vendre un peu de génétique. Leurs efforts pour gagner en productivité n’ont pas qu’un but économique. Ils veulent aussi gagner en confort de vie.
DOMINIQUE MARTIN